Acoustique : comment lancer une salle de sport sans s’attirer les foudres des voisins

Vous voulez vous lancer ? Créer une salle de fitness ?

Avec une croissance en France du nombre de clubs de 5% par an, vous aller surfer sur une tendance de fond.  
Souvent, il s’agit de clubs qui s’installent en centre-ville ou dans des espaces en périphérie.

Vous avez sans doute déjà pensé au matériel que vous allez y installer. Aux types de prestations que vous allez offrir. A l’ambiance que vous allez y créer, aux coachs qui vont animer tout cela.  

Et bien sûr, au type de musique qui contribuera à donner le sentiment à vos clients qu’ils s’éclatent en faisant du sport.
Plutôt électro et techno sans doute. Sans oublier de la pop au tempo bien senti, voire un peu de rock des années 80 pour les publics plus mûrs.  

Allez, avouez, vous êtes déjà entré jusque dans ces petits détails, n’est-ce pas ? 

Un détail plus urgent encore : l’acoustique

Il y a toutefois un autre type de détails plus urgent pour vous.
Un type de détails qui va vous apparaître un peu contraignant de prime abord. Mais qui va se révéler carrément intéressant, du point de vue du confort de vos clients. Et donc de votre CA futur, quand vous allez explorer les conséquences positives de l’affaire.  

L’affaire en question est tout simplement … la réaction des voisins.  

    Tout établissement recevant du public avec de la musique …  

    … se doit de respecter le “décret lieux musicaux”.  

    Vous vous dites sans doute “mais ce ne sera pas une boîte de nuit, on ne va pas mettre la musique trop fort, c’est une salle de sport”.  

    Mais justement. Vous êtes forcément concerné par la concomitance de deux tendances.

    Celle consistant à mettre de la musique toujours plus fort un peu partout (restaurants, bars, salles de sport, …). Surtout de la musique avec des basses fréquences toujours plus présentes (électro, techno…).

    Et celle, portée par la réglementation bruit de voisinage, à vouloir protéger les voisins, notamment d’un nouveau type de gêne. Celle occasionnée justement par les basses fréquences et celle apportée par les bruits solidiens (bruits de chocs qui se transmettent via le bâtiment).  

    Le décret du 7 août 2017 vous concerne donc directement.

    Même si la “vocation de votre établissement n’est pas la diffusion de musique amplifiée”, vous êtes tenu de le respecter dès l’instant où vous allez générer des bruits de plus de 80 dB(A). Un niveau acoustique qui est très vite atteint.  

    Vous allez même, avant votre installation, devoir réaliser une étude d’impact. Le décret l’exige. Il va falloir, à travers cette étude, prouver à votre voisinage que “les émissions sonores des activités s’exerçant dans votre lieu clos ne vont pas occasionner dans les locaux d’habitation un dépassement de l’émergence globale de 5 dB(A) sur la période diurne 7h-22h ».

    Un dépassement de l’émergence globale ?  Késako ? 

    “Supposons que le niveau sonore de votre musique dans la salle soit de 100 dB(A), explique Julien Frangne, ingénieur acousticien chez LTE-SAT. Je vais venir chez vous faire des mesures acoustiques et je vais mesurer cette valeur. Coupez le son. Je vais alors chez votre voisin, je vais mesurer une ambiance sonore calme de, par exemple : 20 dB(A).

    C’est le bruit normal chez lui : bruit de la rue, de la nature, etc. Remettez-le son. Je mesure alors : 30 dB(A), chez lui. Cela signifie que vous provoquez un dépassement de l’émergence globale de 30-20 = 10 dB(A). Soit 2 de trop !”.  

      Il est donc important que vous mesuriez cela avant de vous lancer dans l’aménagement des locaux et de finaliser l’étude de votre projet. Il faut ajouter un chapitre acoustique au dossier.   

      Surtout qu’il vaut mieux ne pas se limiter à l’étude des bruits d’ambiance et à la musique.
      Dans votre cas, il peut y avoir bien pire.  

        Bruits de choc : la double peine acoustique. 

        Il y a en effet des chances pour que dans le développement de vos activités de salle de sport, vous envisagiez de proposer des activités à la mode, telles que le crossfit.
        Cela consiste à faire travailler les muscles de vos clients sur des appareils plus ou moins lestés de poids “spécial costauds”, tirés par des poulies, des câbles et tenus par des barres coulissantes et également de poids libres.  

        Et lorsque le poids retombe, une fois l’effort du futur Musclor achevé, cela fait un gros “boum”. Un bruit de choc.  

        Le problème qui se pose alors n’est plus alors seulement celui du niveau sonore de ce bruit de poids. C’est sa nature. Un bruit de choc est un bruit dit “solidien”.

          Il va se transmettre via les matières solides qui constituent le bâtiment. Béton, pierre, charpentes en bois ou métalliques, verre, acier : toutes ces matières adorent transmettre les fréquences de choc.  Un phénomène acoustique très gênant.

          Résultat : votre voisin suivra les performances de Musclor beaucoup mieux que vous ne l’imaginez. Et cela aura une fâcheuse tendance à l’agacer. Ainsi que tous les contrôleurs de la préfecture qui pourront aller effectuer des mesures dans le voisinage et vous les opposer.  

          Outre les amendes, les mises en demeure, etc. Vous ne risquez in fine rien moins que la fermeture de votre établissement. Mieux vaut donc avoir étudié le problème le plus en amont possible.  

            Les solutions et la bonne démarche 

            « Pour ce qui concerne la musique, il s’agit en général de limiter l’effet et la propagation des fréquences basses aux fréquences aiguës en les traitant sur place, explique Julien Frangne. La façon dont la salle sera isolée est alors essentiel. Il s’agit de créer ce que l’on appelle en acoustique un système masse-ressort-masse”.  

            Ce langage technique d’acousticien suit en fait le trajet du son. Celui-ci se heurte d’abord à une masse (une première épaisseur de plâtre ou de pierre). 

            Puis il passe à travers l’isolant. C’est là que l’effet “ressort” des fibres isolantes le noie peu à peu. Enfin il doit affronter la dernière masse (la deuxième épaisseur de mur, celle avant d’arriver chez le voisin). Le son est alors considérablement diminué.  

            Pour ce qui concerne les bruits de choc important, et certaines basses fréquences (les “boum-boum” des basses de musique électronique, par exemple), ce système peut ne pas suffire.  

            Pont acoustique

            Il y a en effet beaucoup trop de risque pour que des portes, des vitres, des lanterneaux, des plinthes, etc., forment ce que l’on appelle des “fuites ou ponts acoustiques”. 

            Autrement dit : une succession de matières reliées directement entre elles (plinthes cloutées sur du plâtre, posé sur la pierre, elle-même au contact du mur du voisin, etc.) sans interruption par un isolant.

            Et même si ces ponts ne mesurent que quelques centimètres, ils suffisent à transmettre les fréquences indésirables et les chocs associés… en totalité. C’est grâce à eux que votre voisin suivra aussi bien les performances de Musclor. 

              Boîte dans la boîte 

              « Il faudra alors construire une boîte dans la boîte efficace, explique Julien Frangne. L’activité sportive et musicale devra s’exercer dans une “boîte” totalement isolée à l’intérieur de la “boîte” que représente le bâtiment.

              Totalement isolée, cela signifie sans aucun pont phonique. Ainsi les poids des machines retomberont sur une chape de béton flottante ou sur une dalle sur plot à ressorts, isolée du sol et sans aucun contact direct avec les murs, de façon à éviter toute transmission. Là, on est sûr de pouvoir atténuer totalement les bruits.” 

              La bonne démarche pour l’installation de votre salle de sport, consiste donc à établir un diagnostic du bâtiment avant tout chose, à étudier le dispositif nécessaire aussitôt après (matériaux, boîte dans la boîte, choix de suspentes antivibratiles, ajout de correction acoustique, etc.), à faire suivre le chantier par les acousticiens (avec des échanges entre bureaux d’études), et enfin de faire faire l’étude d’impact officielle, une fois que l’on est sûr du bon résultat.  

              A partir de là, on peut acheter les bouteilles de champagne pour l’inauguration.  
              Et s’en servir d’argument commercial.  

              Ce qu’elle fait à l’extérieur se voit à l’intérieur 

              En effet, le bien que toute cette isolation fera à l’extérieur, en garantissant la paix des voisins, se verra aussi à l’intérieur, en apportant également du confort à vos clients.  

              Rien n’est plus désagréable pour eux que la réverbération des sons (musique, bruits de choc) dans une salle où les matériaux n’absorbent pas le bruit. “La durée de vie” d’un bruit est alors allongée. Les gens se mettent à parler plus fort pour couvrir le bruit que font les autres. C’est une surenchère sans fin qui provoque de la fatigue et de l’inconfort.  

              Autrement dit : dans une salle mal isolée et ne disposant d’aucun matériau absorbant, vos clients n’ont qu’une seule envie, partir.  

              Ce n’est pas le meilleur service à leur rendre. Même, et surtout, paradoxalement, si vous comptez sur une musique puissante pour les inciter à forcer sur leurs muscles.  

              Faire en sorte que cette musique ne “rebondisse” pas de mur en mur les aidera à mieux se concentrer sur leur travail et à ne pas se sentir “perturbé” par des bruits parasites de réverbération, de choc, etc.  

              A bien y réfléchir, cette réglementation exigeante ne fait au fond qu’anticiper l’exigence de vos clients. L’oreille aussi est un muscle.